Dans le Vercors, les plantes ont toujours eu une importance capitale, de nombreux humains ont survécu grâce à elles au fil des siècles. Leurs multiples utilisations dans des domaines variés de la vie quotidienne ont été transmises de génération en génération jusque dans les années 1950-60. L’installation dans la durée de la société de consommation a bousculé les usages et au cours des années 1980 a émergé la volonté de ne pas perdre ce patrimoine immatériel.
La base du livre Des hommes et des plantes : usages traditionnels des plantes dans le Vercors est une enquête ethnobotanique pilotée entre mars et octobre 1988 par Jean-Claude Nouallet auprès de 707 personnes âgées de 60 à 95 ans sur un territoire incluant le Vercors ainsi que le Trièves et le Diois. Le livre est un résumé de ces entretiens.
Le coquelicot
les rosettes des feuilles tendres se ramassent au printemps avant que la tige ne monte. Elles se cuisent comme des épinards et on les cuisine en gratin ou en farce à ravioles
L’objectif était de partir à la rencontre des habitants pour connaître les usages des plantes dans tous les domaines de la vie humaine : au quotidien, pour soigner les animaux, dans l’agriculture, l’alimentation,… Les habitants ont fait appel à leurs souvenirs des usages des plantes par leurs parents et leurs grands-parents, et ont parlé de leurs usages actuels à eux. L’étude des entretiens montre une évolution entre les usages passés et les usages présents.
Plusieurs évolutions simultanées peuvent expliquer ces changements d’usages. D’une part, l’accès facile à des produits « tout faits » comme les médicaments ou les balais a limité le recours aux plantes ; et d’autre part, de paysans, les habitants du Vercors sont devenus salariés, les plantes qui étaient utilisées par manque d’argent ont été abandonnées. Toutefois, aujourd’hui, le retour à la terre d’une frange de la population démocratise à nouveau certains végétaux. Le plantain, par exemple, a longtemps été utilisé en soupe au printemps puis abandonné, et retrouve à présent des lettres de noblesse.
L’oeil de bœuf
L’arnica ne pousse pas dans le Vercors, mais dans tous les traités de médecine, on lui voue un véritable culte. Aussi les habitants du Vercors l’ont-ils remplacées par l’œil de bœuf, une plante qui pousse ici et qui lui ressemble mais dont les propriétés sont inexistantes ! Et la teinture d’œil de bœuf est utilisée en lieu et place de la teinture d’arnica.
Ce livre n’est ni un livre de phytothérapie ni de cuisine ni un livre sur les usages des plantes. C’est un livre qui retrace une part d’histoire du Vercors à travers l’usage des plantes. Il peut être utilisé comme une source d’inspiration pour utiliser à nouveau certaines plantes oubliées et comme point de comparaison entre hier et aujourd’hui. Il permet une plongée dans le monde d’autrefois, où les habitants des montagnes vivaient en autarcie partielle.
« Car si l’argent manque, le temps, lui, ne se compte pas » est la phrase qui serait l’essence de ce livre et qui pourrait résumer à elle seule le changement entre hier et aujourd’hui. L’évolution se matérialise aussi dans cet extrait qui fait le lien avec notre activité : « on n’ose plus soigner les malades avec des alcools » (la loi Evin étant passée par là!).
La lecture de ces 140 pages est conseillée si vous êtes curieux de l’histoire du Vercors. C’est un angle d’attaque qui est rarement abordé dans les livres et qui offre un point de vue pertinent sur la vie paysanne.
Le céleri
Un aphrodisiaque puissant, parait-il ! A Saillans dans le Diois, il se dit que « si les femmes savaient ce que le céleri fait pour l’homme, elles leur en feraient manger de Paris jusqu’à Rome ».
La référence :
BONNELLE, Claire. Des hommes et des plantes : usages traditionnels des plantes dans le Vercors. Lans-en-Vercors : éditions du Parc naturel régional du Vercors, 1993, 140 p.