1. Repos
En sortie d’alambic, les eaux de vie (comme stressées par le parcours !) sont brutes, fermées et sans rondeur. Laisser le cœur de chauffe reposer dans un contenant inerte lui permet de « mûrir » : d’ouvrir ses arômes, de fondre l’alcool et de gagner en complexité. L’acier inoxydable et le verre sont inodores et ne donnent aucun goût : ce sont les contenants privilégiés pour cette étape de repos.
C’est donc uniquement sous l’action du temps que le spiritueux évolue. Selon les types d’eau de vie, il est nécessaire de les laisser tranquilles entre 1 mois et…. 15 ans !
La réduction, opération qui consiste à ajouter de l’eau pour abaisser le taux d’alcool de l’eau de vie, a lieu après repos suffisant, le plus doucement possible. L’ajout trop rapide d’eau casse le gain des mois de repos et provoque une montée en température du mélange, néfaste pour les arômes.
2. Elevage
On appelle élevage l’évolution d’une boisson alcoolisée par micro-oxygénation à travers une paroi poreuse. Il peut s’agir d’une paroi de bois dans le cas de fûts ou de foudres ou d’une paroi de terre si on utilise une amphore.
Au cours du vieillissement d’une eau de vie, plusieurs phénomènes se déroulent en parallèle :
• L’alcool est un solvant : il extrait des composés aromatiques présents dans le bois (dont les fameux tanins) pour en enrichir sa composition.
• A travers les parois poreuses du bois et par la bonde, le liquide s’évapore : c’est la part des anges. Cette perte permet la concentration des arômes présents dans l’eau-de-vie « initiale ».
• Via le contact avec l’air ambiant, toujours grâce à la porosité du bois, les composés présents dans l’eau de vie s’oxydent, leur goût évolue.
Avec le temps et sous l’action conjuguée de ces trois phénomènes, la barrique confère au spiritueux de nouveaux arômes : vanillé, floraux, notes de noisette, de noix de coco voire de chocolat et de café. Le spiritueux va également gagner en rondeur : c’est à dire que la sensation d’agressivité liée à l’alcool va réduire. La texture, le toucher de bouche, de la boisson évolue pour devenir plus velouté. On dit qu’il prend « du gras », qu’il devient nappant.
L’élevage sous bois apporte également une coloration au spiritueux initialement incolore qui va évoluer vers un jaune pâle voire jusqu’à une belle couleur orangée – ambrée.
La puissance aromatique d’un spiritueux en élevage sous bois suit une courbe en cloche : dans un premier temps le spiritueux s’améliore, encore et encore au fil du temps jusqu’à atteindre son apogée. Puis décline. Quel est le meilleur moment pour soutirer ?
3. Le rôle des Essences de bois
L’essence du bois choisie pour la confection des fûts va influencer l’élevage : selon les espèces, le bois va dissiper plus ou moins de tanins dans les eaux-de-vie, avec des typicités aromatiques variées.
Le chêne est particulièrement utilisé, notamment pour sa robustesse et son étanchéité. Mais même parmi la famille des Quercus (les chênes), le choix est vaste : chêne vert, chêne rouge, chêne liège, chêne américain, chêne pédonculé…
4. Taille de grains
On appelle grains l’écart entre les cernes de croissances du bois. La taille de ces grains est importante lors du choix du bois de tonnellerie.
Le soleil, la température, l’humidité, l’altitude et le terrain influencent la croissance de l’arbre donc la taille de ses grains. La finesse du grain dépend principalement de la rapidité de croissance de l’arbre : une pousse lente mène à des grains fins. Le grain du bois implique une porosité plus ou moins prononcée du bois.
Les bois à gros grains sont plus riches en tanins mais assurent une oxygénation moins importante, à l’inverse des grains fins qui permettent une micro-oxygénation plus active (donc plus d’évaporation, la fameuse part des anges) mais donnent moins d’arôme type vanilline et beaucoup moins de tanins.
5. Chauffe du bois, toasting, bousinage
La chauffe du bois est une opération primordiale lors de la fabrication d’un tonneau : le tonnelier va brûler l’intérieur du tonneau à l’aide d’une flamme nue dont on choisit la température de chauffe (de 160 à 220°C) ainsi que la durée d’exposition. Les variations de ces paramètres vont imputer à la barrique un potentiel aromatique très différent. Par exemple, une chauffe faible va favoriser des arômes « fruits frais », une chauffe moyenne des notes épicées tandis qu’une chauffe forte développera des parfums empyreumatiques.
6. Contenance
La taille du contenant utilisé pour l’élevage influence lui aussi les aromatiques. Le rapport entre la quantité stockée et la surface de bois en contact modifie l’intensité des échanges bois / alcool.
L’apport tannique et aromatique d’un fût de 200 litres sera beaucoup plus puissant que celui d’un foudre de 10 000 litres. Pour les mêmes raisons, le volume du contenant a un impact sur l’évaporation, cette définitivement célèbre part des anges. Les gros volumes supérieurs à 350 L sont donc a priori plus flatteurs pour les élevage très (très très) longs que les petites barriques traditionnelles de 229 L.
7. Conditions de température et d’humidité
La température et le taux d’humidité du chai influencent directement la réaction entre le bois et le liquide (et donc l’évaporation). C’est pourquoi la part des anges (mais si vous savez, celle qui désigne l’évaporation naturelle qui a lieu dans les tonneaux) atteint 6 à 8% dans les Antilles contre 2 à 3% en moyenne en Europe.
L’humidité favorise l’évaporation de l’alcool et donne de la gourmandise et du nappant aux eaux de vies. Tandis que les climats secs permettent une évaporation d’eau plus importante (allant parfois jusqu’à une remontée du taux d’alcool dans la barrique !) et donnent du caractères aux spiritueux !
Il parait même que l’exposition à de grandes amplitudes thermiques donne aux spiritueux des caractéristiques particulières..
8. Viens là que je t’ouille
L’ouillage est le fait de compléter régulièrement les pertes liées à l’évaporation sous bois (la part des anges, on en parle?). Ce complément se fait en principe avec un spiritueux de même qualité et même millésime.
Sous un climat chaud et humide, les fûts sont généralement ouillés car un fût plein est moins sujet à évaporation. Mais ouiller ou ne pas ouiller reste une décision propre à chaque distillerie, en fonction de ses conditions climatiques et de ce qu’elle attend de son élevage.
9. Fûts neufs et fûts roux
L’alcool extrait naturellement des composés présents dans le bois. Au fil du temps, les spiritueux vont donc patiemment se gorger des arômes du bois, jusqu’à ce que le fût n’ait presque plus rien à offrir (après plusieurs utilisations). Un tonneau est dit roux lorsqu’il a déjà servi au stockage d’eau-de-vie.
Las barriques neuves marquent donc de leurs bois et de leurs tanins bien différemment les spiritueux qu’un fût roux !
10. Bouge ton fût
Et bien sûr, les spiritueux peuvent changer de fût : en fonction des arômes recherchés, ils peuvent rester des décennies au même endroit ou passer de fûts et fûts – et même alterner fûts neufs et fût roux !
11. Du temps et de la chance
Sans commentaires.